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29 décembre 2019 7 29 /12 /décembre /2019 17:50
Les sept formes de combat au sabre laser

Les sept formes de combat au sabre laser

Traduction de l'article de Benjamin Judkins https://chinesemartialstudies.com/2019/12/19/star-wars-an-american-martial-arts-film-franchise-3/ avec son aimable autorisation.

 

 

 

Attention cet article a été écrit avant la sortie de "rogue one" (2016) et juste après "le réveil de la force" (2015). (NDT)

 

***Comme beaucoup d'entre vous, je passe la soirée à regarder le dernier épisode de la franchise Star Wars (et donc à ne pas bloguer).  Il me semble donc tout à fait approprié de plonger dans les archives et de jeter un autre coup d'œil à un billet inspiré par mes recherches auprès de la communauté de combat au sabre laser.  Nous verrons si je suis inspiré pour écrire quoi que ce soit sur l'Episode IX une fois que la peur des spoilers se sera calmée.  Amusez-vous bien !***

" Quand il y a un faux - hippopotame, dinosaure, serpent de mer - ce n'est pas tant parce qu'il ne serait pas possible d'avoir le vrai équivalent, mais parce que le public est censé admirer la perfection du faux et son obéissance au programme.  En ce sens, Disneyland ne produit pas seulement des illusions, mais, en l'avouant, il en stimule le désir : Un vrai crocodile peut être trouvé dans un zoo, et en règle générale il s'assoupit ou se cache, mais Disneyland nous dit que la fausse nature correspond beaucoup plus à nos exigences de rêve.  Quand, en l'espace de vingt-quatre heures, vous passez (comme je l'ai fait délibérément) de la fausse Nouvelle-Orléans de Disneyland à la vraie, et de la rivière sauvage d'Adventure Land à un voyage sur le Mississippi, où le capitaine du bateau à vapeur à aubes dit qu'il est possible de voir des alligators sur les rives du fleuve, et qu'ensuite vous n'en voyez aucun, vous risquez d'avoir le mal du pays pour Disneyland, où les animaux sauvages n'ont pas besoin d'être cajolés. Disneyland nous dit que la technologie peut nous donner plus de réalité que la nature."

Umberto Eco. 1986. "Voyages en hyper-réalité."  Dans Travels in Hyper-Reality : Essais. Harcourt. p. 40.

 

(Notez bien ce mot d'Hyper-réalité et le sens/concept donné par Umberto Eco, il va reservir NDT)

 

 

    "La vitesse, l'équilibre, la violence.  Le kendo était tout ce que les Jedi et les Sith sont.

Nick Gillard. 2015. L'évolution du duel au sabre laser.  ESPN. Min : 18:20.

 

Introduction

Ce post commence par une confession.  Le point d'interrogation dans le titre est plus honnête que ce que je ne voudrais l'admettre.  A première vue, il ne semble pas du tout certain que les films Star Wars doivent être considérés comme des histoires d'arts martiaux.  Ils sont clairement un assemblage, un collage visuel, montrant de nombreuses influences.  Leur nature éclectique a permis au véritable génie de George Lucas en tant que monteur et compilateur (les domaines où je sens qu'il excelle vraiment) de briller.

Il ne faut pas chercher trop loin pour trouver dans l'ADN de ces films les influences des feuilletons de science-fiction des années 1940 et 1950.  Flash Gordon est présent, tout comme les pistolets à rayons et les épées laser de cette époque. Ces films sont aussi des westerns, qui transmettent plus qu'un soupçon de l'"ethos du cow-boy".  Plus que tout, ils semblent être des aventures romantiques, profondément redevables au genre "cape et épée" d'un âge antérieur.  C'est également un bon modèle d'une histoire typiquement américaine d' "avènement".

Pourtant, je n'ai jamais pu me défaire du sentiment que la franchise Star Wars a joué un rôle essentiel dans l'appropriation culturelle des arts martiaux asiatiques en Occident.  Lorsque Lucas a sorti l'Episode IV : "un nouvel espoir" en 1977 (et plus encore, "l'empire contre attaque" en 1980), il a semé les graines qu'une génération de "dojos de centres commerciaux" (aux US; en France, ce sont plutôt les fédérations "sportives" - NDT) allait récolter.

Historiquement parlant, la popularité des arts martiaux asiatiques n'a cessé de croître depuis les années 1950.  La sortie d' "opération dragon" par Bruce Lee en 1973 a catapulté ces systèmes de combat dans le courant de la conscience populaire.  Pourtant, cette nouvelle popularité est venue avec un travail préalable sur de nombreux éléments.

Tout le monde dans l'Amérique des années 1970 n'était pas aussi enthousiaste de voir des légions de jeunes gens imiter Bruce Lee sur les terrains de jeu.  Et dans la mesure où son message de libération a été repris dans les communautés afro-américaine et latino, la diffusion des arts martiaux chinois a joué directement sur les clivages sociaux et les craintes raciales de la décennie. [On ne devrait pas non plus ignorer le travail important des artistes martiaux afro-américains qui ont précédé Lee.]

L'apparition de Luke Skywalker quelques années plus tard a, à la fois, bénéficié et  accéléré la normalisation sociale des arts martiaux en Amérique.  Comme la propagation des systèmes de combat asiatiques devenait plus populaire et commerciale, ce mouvement commença à sembler moins menaçant.  Il a commencé à ressembler à quelque chose qui pourrait être intégré dans les structures économiques et sociales de l'époque, plutôt que d'être une menace pour elles.

Pourtant, la question du pourquoi restait posée.  En dehors de la simple "coolitude" offert par l'exercice, pourquoi quelqu'un se consacrerait-il à l'entraînement aux arcanes du combat à mains nues à une époque où les angoisses étaient dominées par la guerre froide et la perspective d'un holocauste nucléaire ?  Étant donné que la plupart des artistes martiaux potentiels étaient plutôt jeunes, pourquoi des parents inquiets dans des quartiers huppés seraient-ils prêts à financer l'une ou l'autre de ces activités martiales ?  Je soupçonne que c'est là que Star Wars entre vraiment dans l'histoire de la communauté des arts martiaux occidentaux.


 

Luc recevant le sabre laser de son père dans l'épisode IV : Un nouvel espoir (1977).

Luc recevant le sabre laser de son père dans l'épisode IV : Un nouvel espoir (1977).

Une arme élégante pour une époque plus civilisée.

L'une des objections immédiates que j'ai reçues lorsque j'ai évoqué la possibilité de considérer la franchise Star Wars comme des films d'arts martiaux (ou du moins de les mettre en rapport avec les genres) est qu'ils ne contiennent pas de véritable combat à mains nues.  Où est le kung-fu, la boxe, la lutte ?  En effet, le combat final du premier film se déroule alors que les protagonistes rivalisent de talent de pilotage avec les meilleurs et les plus brillants éléments de l'Empire.

Bien qu'il s'agisse d'une critique raisonnable, je soupçonne que cela donne une vision trop étroite de ce que peut être un film d'arts martiaux.  Compte tenu de mes recherches, j'ai acquis un grand respect pour les films de Kung Fu de Hong Kong, en particulier les plus anciens avec leurs histoires de querelles de lignées locales et d'écoles rivales.  Pourtant, il y a toujours eu d'autres formes de narration des arts martiaux.  Au Japon, les films de samouraïs avaient tendance à se concentrer presque exclusivement sur les combats armés et les diverses formes de duels.  Nous savons que les films de Kurosawa, tels que " Les sept samouraïs " et " La forteresse cachée ", ont eu un effet formateur sur le développement de Lucas en tant que cinéaste.

La population chinoise a également montré une grande variabilité dans ses goûts cinématographiques.  Au cours des années 1960, les Shaw Brothers ont produit un grand nombre de films de Wuxia (ou  "cape et épée à la chinoise") qui avaient tendance à être à la fois plus romantiques et à mettre davantage l'accent sur les armes (qui étaient toujours présentes aux époques précédentes) plutôt que sur la boxe.  le "sabreur manchot" (1967) est un exemple classique d'une telle œuvre.

Ainsi, l'absence de coups de poings ne peut à elle seule disqualifier les films Star Wars comme étant représentatifs des genres d'arts martiaux.  La chose la plus importante à noter est peut-être que la façon dont le combat est représenté dans chacun de ces films représente des traditions et des valeurs culturelles.  Lorsque nous constatons des changements spectaculaires dans les types de représentations de la violence qui sont populaires, il est souvent utile de se demander si les valeurs sociales changent. Dans le cas de Hong Kong, l'afflux massif de réfugiés ne parlant pas le cantonais dans les années 1950 et 1960 semble avoir eu un impact considérable sur le genre d'histoires d'arts martiaux qui ont été racontées et sur la façon dont le combat était imaginé en leur sein.

Dans une période de changement rapide au sein de la société américaine (mondialisation croissante, guerre du Vietnam, évolution des relations entre les sexes et les races), un retour à l'épée et aux valeurs traditionnelles d'une " ère plus civilisée " qu'elle représentait a peut-être été profondément réconfortant pour les auditoires blancs de la classe moyenne.  Cela ne veut pas dire que l'histoire de Star Wars est universellement réactionnaire par nature.  Étant fondamentalement un collage visuel, elle me semble en fait assez difficile à caractériser.

Lucas était loin d'être le premier conteur à s'inspirer de "romance de l'épée".  De son propre aveu, il avait grandi en regardant des films de pirates et les films d'Errol Flynn qui encourageaient ce même mythe. En tant que symbole de la chevalerie occidentale, et souvent incorporé dans l'iconographie religieuse chrétienne, le fond mythique de l'épée est bien au-delà de tout ce qui pourrait être exploré dans cet essai.

Pourtant, si la jeunesse américaine était sur le point d'adopter les arts martiaux comme outil pour entrer dans l'âge adulte, on soupçonne que l'image du sabre laser était plus en accord avec les valeurs hégémoniques de la société occidentale que les boxeurs battus et ensanglantés popularisés par Bruce Lee.  En bref, si Lee a pu populariser massivement les arts martiaux auprès des communautés minoritaires et économiquement défavorisées, Luke Skywalker, Obi-Wan Kenobi et Yoda les ont rendus acceptables pour les enfants des banlieues (ou du moins pour leurs parents).

Comme l'a fait remarquer Paul Bowman dans un article récent, les arts martiaux asiatiques, bien que largement connus en Occident, n'ont jamais vraiment été acceptés comme représentant des valeurs sociales fondamentales.  Leur diffusion a provoqué une certaine anxiété qui se manifeste souvent par un humour nerveux.  Le plus souvent, on s'est moqué des artistes martiaux plutôt que de les reconnaitre.

L'accent mis sur le sabre laser de la franchise Star Wars est significatif.  Tout en suggérant fortement les traditions des Samouraïs et des Wuxias, ces images ont été présentées de telle manière qu'elles ont déplacé la discussion de certains aspects des arts martiaux hors des discours contre-hégémoniques et dans le courant principal de la culture populaire occidentale.  C'est peut-être la raison pour laquelle il est difficile de voir les parallèles fondamentaux avec les films d'arts martiaux asiatiques : Tout cela semble trop familier.

Pourtant, les Jedi et les Sith ont bien plus à offrir que les traditions chevaleresques de l'Occident.  Les discussions sur "la Force" et les nombreuses capacités de force présentées dans les films, suggèrent fortement l'aspect plus mystique des arts martiaux asiatiques.  Tout cela se passait à une époque où il y avait un intérêt sans précédent pour le taoïsme, le bouddhisme et les autres philosophies orientales.

Star Wars a permis de normaliser et de familiariser toute une génération de cinéphiles avec ces concepts de base.  Il n'a pas enseigné les détails d'un système particulier, mais il a créé un espace social dans lequel les idées sur le Qi ou la pratique du Qigong pouvaient être explorées personnellement puis commercialement.  En présentant ces concepts d'une manière qui était tout à fait acceptable pour les consommateurs occidentaux, il a créé une demande pour ces concepts qui n'aurait pas existé autrement.

Il a également fourni un point de vue initial à travers lequel diverses traditions d'arts martiaux asiatiques pouvaient être vus et expliqués.  Combien de fois avons-nous entendu des métaphores de la Guerre des étoiles invoquées dans les salles de classe d'arts martiaux traditionnels ?  Krug a identifié cette acceptation croissante des systèmes métaphysiques orientaux (y compris l'idée du Qi) comme l'un des éléments fondamentaux qui a finalement permis l'appropriation culturelle des arts de combat asiatiques en Occident et la Guerre des Étoiles a certainement fait avancer le processus.

Il est difficile d'imaginer que George Lucas, si on lui avait demandé en 1972, aurait admis avoir fait un film sur les arts martiaux.  Bien qu'il soit heureux d'expliquer les diverses sources d'inspiration qu'il a utilisées (y compris les films de samouraïs de Kurosawa), il semble avoir toujours perçu son travail comme relevant davantage de la catégorie de l'aventure romantique. Cela soulève la question délicate de l'intention de l'auteur.  Dans quelle mesure le regard de l'auteur sur son œuvre devrait-il contraindre notre interprétation de celle-ci ?  Je suggérerais respectueusement qu'en s'engageant dans une étude sociale de l'oeuvre, une série de questions beaucoup plus importantes pourrait être, comment le public a-t-il vu ces films ?  Et pourquoi y ont-ils réagi de la même façon ?

Les Jedi contre les Sith

Les Jedi contre les Sith

Hyunseon Lee a récemment présenté un article intitulé "Martial Arts Film as Global Cinema" qui pourrait aider à mieux cerner certaines de ces questions.  Sa recherche, présentée lors de la conférence "Kung Fury : Contemporary Debates in Martial Arts Cinema" de 2016, a largement traité de la relation entre l'opéra chinois et les films d'arts martiaux.  Elle a également noté les façons dont les deux ont transmis des valeurs culturelles similaires.

Étant donné l'importance des traditions de l'opéra cantonnais dans le développement des multiples styles de kung-fu du sud, de telles discussions m'ont toujours intéressé.  Cependant, elle a également présenté une autre observation plus pertinente à la question qui nous occupe.  Dans sa recherche, elle a identifié une liste de cinq éléments d'histoire qui sont au cœur des films d'arts martiaux traditionnels chinois et qui ne sont généralement pas vus (du moins comme un ensemble complet) dans d'autres types de films d'action :

  1.     Conflits entre les styles/clans d'arts martiaux rivaux
  2.     Duels comme moment fort du film
  3.     Une forte insistance sur la relation entre le maître et l'étudiant
  4.     Une discussion sur la façon dont la maîtrise de soi mène à la victoire sur ses adversaires extérieurs, qui peut être considérée comme une extension de la "Doctrine du Milieu" confucianiste.
  5.     Une romance du héros, soit fiancé soit détourné de la belle

Il n'est pas difficile de trouver certains de ces éléments dans les films de Star Wars, les préquelles et maintenant les suites.  L'Empire contre-attaque est le film qui utilise le plus tous ces éléments.  Mais, ils définissent le développement de chacune des autres histoires à un degré ou une autre.

Le mythe de la Guerre des Étoiles est structuré par la lutte manichéenne des côtés Obscur et Lumineux de la Force, telle qu'ils se manifestent par les traditions martiales et mystiques concurrentes des Jedi et des Sith.  La compétition fratricide entre ces deux groupes de guerriers est à l'origine d'une grande partie de l'action dans le mythe de Star Wars.

Chaque film met en scène un duel central et mystique.  Dans le premier film (1977), cela prend la forme d'une bataille entre des pilotes qui cherchent à employer la Force pour guider leurs actions.  Cependant, dans chacun des films suivants, les sabres laser sont utilisés comme outil principal pour faire avancer l'intrigue.

Les relations de Luke avec Obi-Wan et Yoda définissent pratiquement les deux premiers films de la franchise et ont suscité un énorme enthousiasme de la part des fans.  Une grande partie de l'enseignement légué par ces maîtres se concentre explicitement sur l'importance de la maîtrise de soi par-dessus tout.  En effet, Anakin Skywalker tombe dans le Côté Obscur précisément parce qu'il ne peut pas embrasser ce principe.

Enfin, les princesses (ou reines) en détresse occupent une place importante dans les films originaux et les préquelles.  Il est cependant remarquable de constater à quel point "le réveil de la force", la plus récente offre de la série, a tenté de problématiser cet aspect de l'archétype de la trame narrative.

En bref, il ne faut pas s'étonner que les films de la Guerre des étoiles aient réussi à capturer la sensation et la texture du cinéma d'arts martiaux.  Bien que clairement traduits dans un contexte culturel différent, les intrigues et les lignes de récit ont utilisé en parallèle les conventions d'un film d'arts martiaux typique à un degré presque étonnant.  Ce n'est donc pas une coïncidence si tant de spectateurs ont regardé les films, et se sont ensuite demandé ce que cela ferait de s'embarquer dans un entraînement Jedi ou Sith.  Récemment, un grand nombre de personnes sont allées jusqu'à investir des ressources substantielles dans la construction de mouvements d'arts martiaux "hyper-réels" cherchant à répondre à cette même question.

 

Star Wars : une franchise américaine de films d'arts martiaux ?

Conclusion : Le Kendo a conquis Star Wars... en quelque sorte.

Je soupçonne que l'affinité initiale entre Star Wars et le monde plus vaste du cinéma d'arts martiaux était essentiellement une coïncidence.  Ou plus exactement, on pourrait dire que c'était un artefact des diverses images et types de récits dont Lucas s'inspirait.  Le masque de Vader rappelle les anciens samouraïs, mais son casque était aussi nettement teutonique dans ses grandes lignes.

Au fur et à mesure que la série s'est développée et a évolué, il semble qu'il y ait eu plus d'efforts pour "orientaliser" le ressenti.  Yoda est une incarnation presque parfaite de l'idéal occidental du sage mystique chinois, ou comme le dirait Adam Frank, l'éternel et sage "petit vieux chinois".  Lorsque nous arrivons à Qui-Gon Jinn, il est difficile de croire que nous avons affaire à autre chose qu'à une version étrangement caucasienne d'un escrimeur asiatique errant.  Bien que nous ne puissions jamais tout à fait situer son origine, le public aurait du mal à imaginer que son nom puisse être autre chose que d'origine asiatique.

Les préquelles présentent ce qui doit être considéré comme l'une des reprises les plus saisissantes de l' "incendie du temple Shaolin" jamais vues à l'écran.  À bien des égards, l'adaptation du célèbre incident par Lucas est supérieure (du moins pour le public occidental) aux versions originales publiées dans les romans chinois de Wuxia du XIXe siècle.

Dans ces romans, les moines Shaolin sont hautains et agressifs.  Ils sont enclins à se chamailler et à se quereller, souvent violemment, entre eux.  Cela reflète le tempérament fougueux et l'indépendance farouche que les habitants (et les éditeurs) de Guangdong apprécient dans leur propre culture.  Cela fait également d'eux des héros difficiles à apprécier.  Lorsque leur Empereur parvient à affirmer son contrôle sur la situation et à réduire en cendres le célèbre temple, la plupart des lecteurs sont contraints d'admettre que l'Empire (maléfique ou non) a rétabli l'ordre sur la terre.

Tout comme Eco le suggère dans la citation d'ouverture, Star Wars s'inspire de ces traditions et suggère qu'elles peuvent être améliorées.  Nous pouvons avoir des héros qui sont "plus" accessibles culturellement, des princesses qui sont "plus" racontables et des méchants qui sont "plus" sordides.  Au fur et à mesure que la franchise Star Wars a évolué, elle a habilement identifié une grande partie de ce que les spectateurs trouvaient intéressant dans les films d'arts martiaux, et ensuite elle leur en a offert " plus ".  C'est le même " plus " que Eco a identifié comme étant à la base de la culture de consommation américaine : plus d'immédiateté, plus d'accessibilité, plus d'excitation et de sens à la vie.

En ramenant tout cela dans la sphère des valeurs sociales occidentales hégémoniques, et en commercialisant agressivement sa vision auprès d'un public avide d'artéfacts de cette galaxie lointaine, Lucas a fait en sorte que ses histoires soient " plus " que les originaux sur lesquels elles étaient basées.  Eco aurait sûrement été impressionné par ses efforts.  Il aurait même pu déclarer que Star Wars était un film d'arts martiaux hyperréaliste.  Il n'aurait pas non plus été du tout surpris par les immenses sommes d'argent que Disney serait prêt à dépenser pour acquérir cette franchise.  Dans cet optique, les deux empires du divertissement ont toujours été étrangement similaires.

Il est intéressant de considérer la citation d'introduction de Nick Gillard à la lumière des observations d'Eco sur la nature de l'hyper-réalité.  Gillard était un chorégraphe de combat qui a travaillé sur les préquelles de Star Wars et il a récemment discuté de son travail sur un court documentaire, diffusé sur ESPN fin 2015, intitulé "Star Wars : The Evolution of the Lightsaber Duel".

Ce reportage faisait partie de l'effort publicitaire qui a précédé la récente sortie de l'épisode VII : Le réveil de la Force.  À bien des égards, c'était un stratagème publicitaire évident.  Non seulement le sabre laser est l'une des images les plus iconiques et les plus populaires à émerger de la franchise originale, mais cette éternelle arme de Luke jouera un rôle essentiel dans l'intrigue du prochain film.

Pourtant, le programme d'ESPN ne s'est pas concentré exclusivement sur les sabres laser.  Le documentaire a plutôt commencé par une discussion approfondie sur l'escrime japonaise traditionnelle sous la forme du kendo.  Les maîtres de kendo ont été interviewés en japonais.  Des images historiques en noir et blanc ont été montrées.  Des scènes de films classiques de samouraïs ont été coupées dans l'action.

Cet intérêt pour le kendo ne s'est pas limité à l'introduction.  Le documentaire est revenu à plusieurs reprises sur des images d'experts du kendo.  Les acteurs sont apparus à l'écran et ont témoigné qu'ils avaient été formés avec diligence dans l'art du kendo en préparation de leurs rôles.  Les chorégraphes de combat ont témoigné que ce que les spectateurs regardaient dans divers duels iconiques (comme l'épreuve de force de Count Duku avec Yoda) était en fait du kendo.  Le documentaire s'est même terminé par des images de l'équipe américaine de kendo vaincue par les Sud-Coréens lors du 16e Championnat du monde de kendo.

À la fin du documentaire, il était clair que les spectateurs étaient censés avoir absorbé un seul message.  La fantaisie du combat au sabre laser était basée sur un véritable art martial.  Il avait été pratiqué et entraîné et avait même été exécuté pour eux sur film.  Et cet art était le kendo, l'art du sabre des samouraïs.

C'est un développement fascinant dans la mesure où les créateurs des histoires de Star Wars (maintenant propriété de Disney) ont décidé de parler de leurs efforts.  Un art martial asiatique a apparemment été pleinement adopté et reconnu comme la racine du pouvoir visuel de Star Wars.

Pourtant, il nous laisse aussi avec un paradoxe.  Le documentaire présente tellement de séquences de kendo réelles qu'il ne faudrait pas être un expert pour réaliser que le kendo exécuté par les maîtres, et le kendo supposé être chorégraphié par les acteurs, se ressemblent étonnamment peu.  En effet, les styles d'escrime utilisés dans les différents films de la Guerre des Étoiles montrent la forte influence d'une grande variété de styles d'arts martiaux (y compris l'épée longue européenne, le wushu et les arts philippins) ainsi que de différentes écoles de chorégraphie de combat sur scène et une généreuse dose de magie des effets spéciaux.

Les discussions antérieures sur les sabres laser par les créateurs du film ne partageaient pas cette même insistance sur l'appropriation du kendo, ou de tout autre art martial asiatique.  Même quelques années auparavant, ils avaient tendance à traiter la création de sabres laser comme un défi d'effets spéciaux.  Pourtant, une demande d'identification et d'exploration de la " réalité " derrière le sabre laser a clairement été identifiée.

Le moment le plus intéressant du documentaire d'ESPN s'est peut-être produit lorsque Gillard a expliqué comment le kendo en était venu à être mis à l'écran.  Il a commencé par faire la démonstration d'un simple coup par-dessus la tête, à deux mains, d'un coup et d'une parade, exactement comme on pourrait le voir dans un cours de kendo.

Il a ensuite adapté la même série de mouvements pour montrer à quoi cela ressemblerait dans l'univers de Star Wars.  Cela impliquait de manipuler l'épée d'une seule main, en utilisant différents angles, et finalement de la faire tourner dans le dos de l'artiste martial dans un mouvement que de nombreux étudiants chinois appellent la "fleur de prunier".  Le même mouvement a été utilisé si souvent (souvent de façon quelque peu inexplicable) dans les préquelles que les praticiens du combat au sabre laser ont commencé à l'appeler " l'Obi-Ani ".

Le public n'a aucun doute que la nouvelle séquence améliorée est beaucoup plus divertissante que l'originale qui l'a (peut-être) inspirée.  Elle est plus rapide, plus voyante et nécessite une dextérité beaucoup plus grande pour être jouée.  En accord avec l'argument d'Eco, il a identifié ce qui était intéressant dans l'art du sabre traditionnel et a ensuite offert "plus" au public.

Cela met en évidence la déclaration ultérieure de Gillard.  Notez son usage révélateur du temps :

    "La vitesse, l'équilibre, la violence.  Le kendo était tout ce que les Jedi et les Sith sont."

Une fois que le kendo a été "amélioré" au point de ne plus être présent, sauf dans quelques positions d'ouverture ou mouvements génériques, que regardons-nous ?  Ce casse-tête est précisément ce qui pousse les étudiants en combat au sabre laser à essayer de localiser les mythiques Sept formes de combat au sabre laser dans les films, plutôt que de lire les mouvements en fonction d'un style d'art martial existant, comme semble le proposer ce récent documentaire.

Tout ceci suggère un appétit croissant pour l'"authenticité" et un engagement plus profond entre la Guerre des Étoiles et les arts martiaux.  Les fans occasionnels veulent en savoir plus sur les arts martiaux qui ont servi à la réalisation de ces films, à la fois comme éléments narratifs et sur le plan technique.  En même temps, les étudiants en combat au sabre laser demandent une plus grande cohérence dans l'univers des différentes séquences d'escrime présentées sur les films et sur d'autres supports (jeux vidéo, dessins animés, romans, bandes dessinées).

Dans cet essai, nous sommes allés loin dans le trou du lapin de l'hyper-réalité.  Il faut maintenant se demander dans quelle direction ces recherches d'"authenticité" vont nous mener.  Il semble possible que le succès même du duel au sabre laser ait créé une demande pour quelque chose de nouveau.  Le prochain film à sortir, Rogue One, tournera autour d'une bataille terrestre sanglante menée par des êtres normaux, non sensibles à la force.

Il semble peu probable qu'il comporte un duel au sabre laser de quelque sorte que ce soit.  Mais on peut être sûr que les arts martiaux asiatiques seront présents.  Non seulement Donnie Yen apparaîtra dans ce film, mais une scène de la bande-annonce récemment sortie le montre en train de mettre à terre plusieurs Storm Troopers alors qu'il n'est armé que d'un bâton de bois.

Dans cette nouvelle recherche d'authenticité, il se peut que la franchise Star Wars s'éloigne de son symbole des arts martiaux hyper-réels, qui connaît un grand succès, dans un effort pour retrouver, dans un nouvel axe, une partie de l'excellence et de l'énergie originales qui ont lancé cette entreprise il y a près de 40 ans.  Il semble que la franchise soit prête à accepter son identité en tant que quintessence de l'histoire des arts martiaux.

 

(Traduction DeepL et Kraphi)          

Donnie Yen. Le calme avant la tempête…

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Published by KRAV MAGA et PHILOSOPHIE