La réalité s’entoure de réalité, l’irréalité s’entoure d’irréalité (dicton bouddhiste)
J’avais écrit il y a quelques années que, comme pour d’autres arts martiaux, je prévoyais de faire une critique (dans le sens d’une analyse avec un esprit indépendant et scientifique) de l’Aïkido SI j’en avais le temps.
Le Temps est arrivé !
Tout d’abord reprenons l’histoire de l’aïkido.
Il s’agit d’un art martial (« art martial » dans le sens de Karl Friday, sens utilisé dans ce blog : "un art libéral lié à une méthode de combat") créé par Morihei Ueshiba dans les années 1920-1930 environ au Japon.
Cet art martial tire ses racines principalement de l'art martial révélé ou créé (cf ci-dessous) par Takeda sokaku : le daito ryu aikijutsu. Cette pratique de Takeda fut la colonne vertébrale de la pratique « martiale » de M. Ueshiba dit "O sensei" (cf ci dessous).
Takeda sokaku était une personnalité "border line". Psychopathologique ou « diogenien », là est la question : Il pouvait régir d'une manière que nous qualifierons d'excessive dans certains cas. Et en tant qu'héritier d'un clan samourai il a eu accès aux arts martiaux via son père (les armes et le jujutsu, à ma connaissance).
Takeda a appelé cet art "global" initialement Daito ryu Aikijutsu. Daito était le nom du palais du clan, cet art pourrait donc se traduire (au moins en partie) par "l'école du palais" (daito ryu). Il est à noter qu'il n'existe pas de preuve que cet art de Takeda est lié à un art militaire historique (lire "développée et testé sur le champ de bataille") même s'il existe des écoles historiques "homonymes" (filiation, confusion ou récupération ? c'est manifestement un classique dans les écoles japonaises et chinoises- remember Shaolin à l’origine, SOI-DISANT- de toute les écoles en Asie...).
Il est donc possible que cet art soit un art ancien mais il est également possible que ce soit un développement à partir de la base reçue par son père et son clan.
En effet, à travers ce bref historique, il n’apparaît pas de filiation claire et sans contestation possible entre l'art militaire des guerriers japonais (disons jusqu’à Sekigahara, 1600) et l'aikijutsu, l'art martial de Takeda (1880/1900).
Même si une telle filiation existait nous savons que la période d'Edo a abouti à une forte intellectualisation des arts "guerriers" jusqu'à ne plus être utilisable dans la réalité : certains combats de Ju jutsu contre boxe (anglaise) au 20eme siècle était perdu par le ju jutsu en 14 secondes ....y compris le décompte. Cela devait ressembler aux match actuels de Taichi contre MMA.
Il est donc difficile de croire que l’Aikijutsu de Takeda ait été l’équivalent d’un entraînement de bushi de l’ère « guerrière » japonaise. Il faudrait des preuves plus solides qu’un narratif.
Pour rajouter à la confusion sur cet art martial, Ueshiba ajouta aussi une couche sur cette pratique que lui enseigna Takeda.
Il picora ainsi dans d’autres disciplines avant de mettre en place « son » Aïkido. Mais d'après lui-même (tiens ?), il était tellement bon qu’il n'avait pas besoin de rester plus de quelques mois dans une école avant d’acquérir ses secrets. Roooh, un élève qui se permet d'être critique des arts martiaux…Mais il est difficile de lui donner tort au vu des témoignages sur l'efficacité du jujutsu dans la réalité, un simple spectateur rationnel devait rapidement noter des problèmes et des incohérences).
Il est également à noter que le fondateur de l’Aïkido fut lié à des mouvements religieux (omoto) et militaristes du Japon avant et pendant la 2nde guerre mondiale. Mais, ensuite (et surtout AVANT la fin de la guerre, ce qui a permis de se présenter sous un visage sympathique à l'occupant américain) Ueshiba a axé sa communication et sa pratique sur le pacifisme et sur le nouveau testament…Oui, la Bible (Cf. le livre de Franck Morvan sur le "karaté art corporel traditionnel" où il y est fait allusion). Sans doute une des raisons pour laquelle son message a été si bien perçu/reçu en occident névrosé vis-à-vis de "sa" religion pluri millénaire. (Plus de détails ci dessous)
Pour les pratiquants récents d'Aïkido, ces quelques lignes peuvent vous paraître évidentes (merci wiki) mais il y a 40 ans, ces points n’étaient absolument pas connus alors qu'ils représentent une connaissance de base sur l’Aïkido et son contexte. La quasi-majorité des pratiquants n’avaient pas accès à ces informations. Ce qui a permis dérives et mystifications pour des petits malins.
Donc je vais, ( comme Ueshiba :-) ), évoquer les points significatifs des écoles d'aïkido pour un pratiquant d'aujourd'hui.
Le point que je vais analyser tout d'abord est le discours sur l'efficacité au combat (1 vs 1 soyons simple) de l’Aikido.
En effet de manière quasi systématique, les aikidokas évoquent l'efficacité de leur art avec deux arguments phares :
- Le premier L'appel au passé glorieux des samourais qui pratiquaient l’Aikido sur le champ de bataille.
Ceci n’est qu'un argument d’autorité (et donc ce n’est pas un argument puisque rien n'est démontré).
De plus :
L'histoire militaire pré-meiji du Japon n'incite pas à penser que les samourais pratiquaient ce type d'art (ju jutsu, yawara jutsu, etc ....) de manière intensive (notamment la plupart des blessures venaient d'armes à distance pas d'un irimi nage bien placé, Karl Friday a mieux décrit ce point que moi avec des statistiques).
Rappelons également que pour un militaire moderne, la formation au combat rapproché ("close-combat") est de 10h-30h à comparer avec un entraînement d’un/deux ans quotidien pour un soldat « de base » (cf article dédié). Il y a fort à parier que le combat rapproché était équivalent en proportion pour un fantassin de base (ashigaru) dans le passé (déjà l'utilisation de la lance/pique en formation c'était beaucoup d’entraînement alors le reste ....).
Quand au "samouraï de haut rang", le travail d'un général (ou de l'encadrement d'une armée) n'est pas un développement approfondi des compétences d'un fantassin, il a beaucoup, beaucoup d'autres choses à faire. (A chaque fois dans les films asiatiques quand le général est censé être le plus fort au combat de l'armée (le boss final pour le héro), je me dis que le cerveau reptilien fait toujours des ravages mêmes dans les cultures les plus néo corticales).
Nous avons vu également qu'il n'est pas possible d'établir à travers son histoire un lien direct entre l'aïkido et l'art militaire des bushi.
Donc pour conclure je ne dis pas que l'aikido est inefficace. Je dis que cet argument de l’aikido, « art des samourais » ne peut pas être recevable, il y a plusieurs contre arguments.
- L’autre argument classique des aikidokas, c’est une critique de la pratique de l'autre (sur un modèle de Schopenhauer : une des techniques pour avoir raison même quand on a tort !).
Un exemple particulièrement représentatif : la défense contre couteau (pour rappel, j'ai mis sur le blog les statistiques d'une défense contre couteau au Krav, j'attends toujours celles qu'un aïkidoka m'a promis pour sa discipline…). En général, la réponse est "on ne peut rien faire, il faut courir" et « les disciplines qui travaillent contre couteau sont des mythomanes ». Ce qui pose une interrogation :
Si vous êtes avec quelqu'un (un conjoint par exemple) lors d’une agression au couteau, vous le laissez sur place pour aller vous cacher ? « Normalement » vous restez, il est donc difficile de penser que l’on peut choisir de refuser systématiquement de se défendre contre un couteau. Même si, nous sommes tout à fait d’accord, il est préférable de fuir et de tout faire pour ne pas se retrouver dans une telle situation.
Et surtout pourquoi vous entraînez contre un couteau si vous pensez cela ? Si pour vous, pratiquants d’Aïkido, il est impossible de faire quelque chose et d'améliorer vos chances (je ne parle pas de devenir invulnérable à une attaque au couteau, je parle d'améliorer ses chances face à une attaque au couteau, merci de mettre votre reptilien en veilleuse et de brancher le néo cortex). Dans ce cas autant ne plus travailler cet aspect. Pourquoi la défense contre Tanto existe dans votre école, alors ?
Bref cet autre argument classique n'est pas non plus recevable.
Je laisse tomber les autres arguments (« mais je connais les principes pour faire face », « je refuse le combat », « je suis censé avoir une armure », etc. …), de la même manière que les deux cas précédents soit ils reposent sur des bases historiques douteuses, soit il y a d’énormes pré supposés sur le combat.
Insatisfait et pour sortir du pur discours (et du risque de sophisme), en tant qu'adepte de la sémantique générale (coucou Korzybski !), afin d’avoir un avis construit en plus de cette recherche documentaire minimale, j’ai pris quelques cours d’aïkido auprès de deux "sensei" (chacun dans une des deux fédérations phares, FAA et FAAB) afin de pouvoir donner un avis construit, satisfaisant selon mes critères.
Après ces courtes expériences pratiques, ma conclusion : Il existe des choses intéressantes dans l’Aikido mais ce n’est qu’une partie du combat (donc ce n’est ni une self défense ("réaction à une agression") ni un "art du combat" ("une activité d'opposition contre un ou plusieurs tiers visant à établir une supériorité physique").
Ainsi, le côté que j’ai trouvé particulièrement intéressant dans l'entrainement à l'aikido, que je ne vais pas développer (car il faut avoir un minimum d’expérience du combat), concerne l'apprentissage, exceptionnel dans l'Aikido, de la gestion de la distance et surtout la manipulation des perceptions du partenaire (adversaire ?) dans CERTAINES configuration (mais bien sûr, quid de l'Aikido hors de ces configurations ?).
Donc premier point, oui, il y a un intérêt à faire de l’aïkido dans une optique d’opposition physique.
Mais, déjà, première découverte lors de mon étude pour apprécier l'efficacité de l’Aikido, il est nécessaire de prendre en compte un point fondamental régulièrement occulté (voire oublié) : La plupart des techniques d'Aïkido parte d'une configuration ou le défenseur dispose d'un sabre et pas l'attaquant
Ceci explique pourquoi l'attaquant vise quasi systématiquement la saisie et ne veut pas lâcher le bras même si l'action s'engage rapidement plutôt mal pour l’attaquant (il pourrait lâcher le bras et donner un coup, ce qui serait plus rationnel et réaliste A MAINS NUES). Cela devient rationnel si le défenseur est armé....et est le seul armé. L'Aikido vise a s’entraîner à réagir face à une tentative de désarmement de sa propre arme et à maîtriser l' "insolent".
Malheureusement ce n’est pas explicitement dit, peut-être parce que cela ressemble moins à des techniques de samurai sur les champs de bataille (le fameux « guerrier » des arts martiaux), qu'à une technique de gardes du corps (armés) dans un palais (Daito ?) (un flic privé quoi, un vigile ! moins glamour)
Cette hypothèse sur l’origine et le but de l’Aïkido a le mérite de rendre cohérent l'importance des prises, des clés et projections et les "esquives de corps" pour éviter les clefs/saisies/projections. Mais le fait que ce soit un art "policier" et non "samouraï" est sans doute moins vendeur auprès du grand public. En particulier, si le samurai est assimilé dans ce cadre historique (l’ère d’Edo) à une classe dominante voire oppressive (Par exemple : un samurai avait le DROIT de tuer tout paysan « par caprice » : pas la marque d’un système judiciaire « rationnel » et « fiable ») et non au guerrier ultime fantasmé par certaines et certains.
Le marketing de l’Aikido a donc d’abord gagné sur l’Histoire mais l’Histoire prend désormais sa revanche sur le « marketing ».
Au-delà de cet élément de contexte, techniquement l'Aïkido m'est apparu (cf ci-dessus) comme un art hyper spécialisé faisant travailler et progresser à la limite de ce qu’il est humainement possible de faire dans certains cadres d’"opposition physique" (les actions éventuelles avant le moindre contact physique ou avec un contact très léger, actions sur le psychisme (feinte), actions sur le corps (clés) de l’adversaire).
Bref du grand Art dans ces cadres.
Mais dans un cadre "self défense" ou "combat" avoir cette capacité dans les configurations particulières de l’Aïkido a un intérêt seulement si l’on est capable de faire tout le travail nécessaire de self défense et/ou de combat complet (pied, poing, lutte, escrime, anticipation des trajectoires, ? etc ….) dans les nombreuses autres configurations possibles.
Un de mes profs d’aïkido m’a très bien fait ressentir ce travail de l'Aïkido (un mini satori !) mais :
- je pratique le Krav Maga donc j’ai les bases en self défense pour comprendre les problématiques et l'intention cherchée dans l’entraînement. Je ne pense pas qu'un novice "normal" puisse le faire (il y a des surdoués en tout, donc ce n'est pas impossible que quelqu’un comprenne « spontanément » mais cela ne doit pas être commun et donc ce n'est pas une pédagogie adaptée/efficace)
- Ce prof n’a pratiqué, à ma connaissance, que l’Aikido comme "art martial" mais il travaille dans la police d’intervention et donc sur les interpellations qui sont, comme nous le savons tous dans le wulin, quelquefois rock 'n roll et nécessite d'avoir développé Les capacités multiples nécessaires à un combat (gestion de la distance, de l’opposition, grappling, etc …).
Un fait était d'ailleurs significatif : Durant mon temps dans son dojo nous n’avons pas arrêter d’échanger (sur le vestiaire ou au bord du tatami) de manière caricaturale sur nos disciplines respectives : le Krav Maga (« que des brutes dans le krav ! ») et l’Aïkido (« que des mythos dans l’Aïkido ! »). Vous voyez le niveau : nous ne partions donc pas sur une base très ouverte à la discussion :-). Mais étrangement dès que nous avons pratiqué, nous avons eu spontanément un référentiel commun qui permettait un échange constructif sur l’efficacité des techniques. C’est d’ailleurs ce maitre qui m’a appris la présence occultée du sabre dans les techniques de l’Aïkido, preuve qu’il existe des personnes tournées vers l’authenticité partout et qui transmettent même quand une discipline « concurrente » vient rendre visite. Respect !
En résumé l'Aïkido est intéressant pour des personnes expérimentées mais n’est guère accessible (attention : dans une optique self-défense et/ou combat) pour un débutant. Ce serait comme chercher à avoir un diplôme d’astrophysique sans connaître les opérateurs mathématiques de base (addition, soustraction, etc ….).
C’est beau comme une photo des pléiades mais il sera impossible d’approfondir la connaissance et la recherche astronomique si on ne dispose pas d'un savoir conséquent au préalable.
D’ailleurs Léo Tamaki (aikidoka, mais pas que ....) en a donné la preuve en parlant des conditions d’obtention de grade dans l’aikido d’une fédération.
Ici le 8eme Dan, attention tenez vous bien
"Pour le 8ème dan:
Au-delà de la vie et de la mort l’esprit clair est ouvert, capable d’unifier les contraires, sans ennemi, il ne se bat pas. Sans combat, sans ennemi, il est le vainqueur éternel.
Sans entrave il est libre, libre dans sa liberté. O Senseï disait « En face de l’ennemi il suffit que je me tienne debout sans rien de plus ». Sa vision englobe et harmonise la totalité."
Pourquoi je quitte la FFAB (Fédération Française d'Aïkido et de Budo) - Budo no Nayami
Un deuxième point m’est apparu durant ma pratique. Dans l’Aikido, on passe son temps à faire des clés. Or il apparait (en Aïkido et dans d'autres disciplines équivalentes, Chin-na et Tori-te par exemple) que ceci génère rapidement un sentiment de toute puissance (mégalomane !!!). Un professeur avait d’ailleurs mis en garde : "pouvoir contrôler le corps entier de quelqu’un simplement en jouant sur une articulation est assez « jouissif » et "addictif "…
Dans le judo ou les boxes pied/poing « complètes », cet aspect est équilibré par le sparring/randori qui permet de montrer, à ceux dont le psychisme serait tenté par cette voie, que personne n’a jamais le contrôle total. L’Aikido de par son nature non compétitive mais avec également l’absence d’une activité d'opposition est beaucoup plus sensible à ce « mouvement symbolique » et à son impact sur la psyché (le but d’un symbole).
Il existe donc la nécessité dans l’Aikido de « quelque chose » pour équilibrer cet aspect « mégalomanophile ». Chacun des dojos que j’ai fréquentés avait résolu cette problème d’une manière particulière (un rituel pointilleux, des « after » décontractés, un humour de distanciation sur les techniques, etc ….) mais c’est un aspect qui doit être ajouté dans la pédagogie de l’Aikido.
Ce point qui pourrait apparaître comme secondaire m’apparaît comme important, car, à mon niveau d’observation, il explique l’aspect sectaire et le rêve de toute puissance de certains aikidokas « lambda » (« je suis un samourai-ronin sur la voie et personne ne peut m'arrêter», mais oui bien sur, respire un grand coup :-) ).
Un aspect qui a été noté par de nombreux pratiquants d’arts martiaux et par le grand public qui explique également l’ostracisation de plus en plus marquée de cette discipline.
Un troisième point m’est également apparu important : l’aspect religieux de l’Aikido.
La religion est un point sensible à la fois dans notre société actuelle et dans les arts martiaux. Je vais juste évoquer ce point en rapport avec l'Aikido.
Ueshiba a incorporé dans sa pratique de l’Aikido, un idéal de non-violence sous un aspect religieux que manifestement il a été cherché dans la religion catholique. Pour appuyer cela, je ne vais pas faire un cours de théologie mais il est manifeste que la non-violence n’est pas une notion particulièrement développée dans le shinto (Hiro-hito, empereur ambiguë…) et le bouddhisme japonais (le zen n’empêchait guère le samouraï de découper le passant « par caprice »).
D’un point de vue plus pragmatique, je rappelle que la non-violence est un principe politique (et l’Aïkido est tout à fait en droit de le défendre comme le Krav Maga à travers l’AKNV (cf post dédié et pub gratuite J ) mais n’est PAS une tactique pour sortir vainqueur d’une confrontation physique.
Mais alors pourquoi cette inclusion dans l’Aikido ? (au point de présenter l’Aikido comme un art martial non-violent)
Comme première raison, je verrais un ajout à la pédagogie après avoir constaté qu’il était nécessaire d’équilibrer le sentiment de toute puissance que donnait les clefs (et dans une moindre mesure, les projections sans opposition) à l’entraînement
Comme seconde raison, je verrais la nécessité de « vendre » son art martial aux autorités japonaises et surtout à la population pour qui le ju jutsu était un sport de Brute (Kano en parle et explique que c’est la raison pour laquelle il a mis en place le mot judo au vu de la mauvaise réputation du ju jutsu)
Comme troisième raison, il est évident qu’après la deuxième guerre mondiale, il fallait changer le discours des arts martiaux. Ueshiba a donc utilisé le message « non-violent » de la Bible qu’il connaissait fort bien (cf Franck Morvan). Or ceci a eu un impact qui n’avait sans doute pas été prévu initialement. Le public occidental a été très réceptif à ce message car il correspondait à celui qu’il connaissait de manière inconsciente à travers « sa » religion (ou son substrat laïc) : la religion catholique (religion devenue tabou suite à des échecs éthiques répétées : croisade, inquisition, instrumentalisation avec le pouvoir politique, etc ……)
Bref cet identification Aïkido/non-violence n’a cessé de se renforcer au fil du temps.
https://aikidoduc.org/l-aikido-un-art-martial-non-violent
La non-violence sous cet aspect n’était pas prouvée ou expliquée dans la pratique de l’Aïkido (comment être non-violent est-il compatible ou lié au fait de faire sauter des articulations et en générant de la douleur chez son adversaire ? Cela parait irrationnel …. ) mais révélée par O sensei (« L’aikido est amour »). D’où cet aspect religieux diffus mais maintenant devenu prépondérant dans l’Aikido européen.
Ceci a généré deux problèmes.
Le premier c’est que l'Aïkido (et surtout ses pratiquants) a convaincu le public profane que les arts martiaux pouvaient permettre à un homme seul de maîtriser sans violence plusieurs hommes violents.
D’où la réputation de mythomane collée aux aikidokas par la communauté des artistes martiaux. Surtout quand les aikidokas osent parler de self défense en parlant de leur art. Dès que l'on s'est mesuré en pied poing à plusieurs adversaires simultanément on ne peut que s'étonner de la capacité de certain à se croire capable d'un tel miracle, sans trucage ..... (mais je ne demande qu'à assister à un test ou à une démonstration rigoureuse ).
Et surtout le second problème lié au premier : lorsqu’un artiste martial (ou un pratiquant martial) passe au tribunal et qu’il lui faut expliquer à un juge qu’il n’est pas possible de maîtriser quelqu’un (même une seule personne, ne parlons même pas d plusieurs agresseurs) sans utiliser un minimum de force/de choc/d’impact. C’est un peu compliqué d'expliquer au juge que ce qu'il a lu ou croit connaître est faux….
Je ne vous souhaite pas d'expérimenter mais un juge considère qu'il n'a rien à apprendre et n'écoute que très partiellement ce que vous lui dites. Comme vous êtes partial (et il est normal qu'un juge soit prudent sur ce que vous dites), il ne cherchera pas à approfondir ce que vous dites (H. Plée rapporte à ce sujet une anecdote édifiante dans ses chroniques). Pire ! Il peut lire régulièrement des textes où l'on évoque des arts martiaux non-violents .. (le Tai chi aussi pour être honnête est sur cette communication "de paix et d'amour" mais il existe des matchs Tai-chi vs MMA qui contredise l'assertion hallucinée, ou plutôt la mystification entre le principe politique et la tactique).
Et l’Aïkido ne réussit pas à comprendre pourquoi il est de plus en plus mal vu ?
En plus de ces problèmes externes dues à cette non-violence « révélée », l’Aïkido a également eu à gérer les problèmes internes classiques de toutes communautés à portée religieuse.
- culte de la personnalité (O sensei et son message ‘amour)
- projection mentale à gogo (délire sur des pouvoirs et autres capacités, etc ….)
- sectarisme (ne rencontrons pas les autres disciplines……..)
- fragmentation réguliere de la communauté( 2 fédérations d’Aikido en France)
Si le message de l’Aikido n’est pas modifié, les problèmes vont aller en s’aggravant et la discipline ne pourra pas se transmettre à travers la dislocation.
En effet à un tel niveau d’hyperspécialisation et avec un cadre pédagogique qui flirte avec le religieux, il va être difficile de trouver des gens pour transmettre cet art. Ce point est d’ailleurs déjâ visible (la dislocation a commencé), le nombre de pratiquants d’Aikido s’effondre.
L’Aikido doit donc se modifier.
Je lui souhaite sincèrement de réussir leur mutation à travers la dislocation qui vient. Il a toute sa place comme art martial cérémoniel ou comme spécialisation de self défense mais si sa communication n'est pas corrigée, je suis persuadé qu'il sera mis plus ou moins rapidement au ban des arts martiaux.
C'est dommage à la fois en terme esthétique, en terme technique et en terme pédagogie mais c'est le temps des choix.
Coin culture :
Réalité cachée pour des motifs politiques et à l'avantage de certains ? En SF, l'auteur phare de ce genre est Philip K Dick "La réalité c'est ce qui continue d'exister lorsqu'on cesse d'y croire..."
Ses nouvelles et ses romans sont inégaux mais certains sont extraordinaires.
Par exemple :
La Vérité avant-dernière
Qui démontre qu'il peut être judicieux de se poser des questions et aller voir derrière le rideau ce que trame le machiniste.