Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 décembre 2012 5 14 /12 /décembre /2012 21:00
Si tu veux la paix, prépare la guerre
(devise romaine)
Si tu veux la paix, connais la guerre 
G. Bouthoul (il a remarqué que la sagesse traditionnelle de la devise romaine ne marchait pas.....)
 
 
Dans le dernier post, j’ai parlé de notre « tendance » naturelle à la pensée binaire.
 
Avec cette tendance, nous cherchons naturellement à classer le monde en deux catégories : vrai/faux ; attaque/fuite ; etc…. . La Réalité a été théorisée avec ce « méta-modèle » binaire par un certain Aristote (avec le tiers exclu). Ceci à permis le développement de la pensée scientifique qui utilise cette modélisation pour étudier et comprendre la Réalité. 
 
Avec le succès planétaire de l’expansion humaine, on peut dire que ce méta-modèle a été validé par l’expérience.
 
Le petit hic, c’est que nous avons essayé de modéliser notre perception du réel sur ce modèle.
 
Alors que notre perception du monde réel est différente du monde réel (par construction, notre cerveau ne peut pas refléter la réalité, il peut juste s’en approcher).
 
 
Il y a toujours des gens pour jouer sur cet écart et pour prétendre que votre perception du réel est fausse (oui, c’est une évidence !) mais que eux détiennent le vrai modèle……et il y a toujours des gens pour les écouter, les croire et les suivre. Pourquoi ?  
 
Ma réponse : Parce que nous sommes des primates
 
Nous cherchons en permanence à avoir une hiérarchie et à nous intégrer dedans.
 
Mais :
 
  •  Si nous ne sommes pas assez gratifiés dans une hiérarchie (au sens que H. Laborit donnait à ce mot) nous en voulons une autre.
  •   Si nous découvrons une hiérarchie qui nous semble (à tort ou à raison) plus gratifiante que à la notre

 

Dans ces deux cas (binaire…), le changement est imminent (il ne manque qu’un prétexte….) ou alors le non-changement doit être acheté ou imposé. (Pas seulement par des ressources, quelque fois un symbole suffit)
 
Attention, je n’ai pas dit qu’une hiérarchie était mauvaise ou inutile. Mais, là encore, il faut que les choses soient claires et que le but soit explicite. Sinon on aboutit, par exemple, à des hiérarchies sportives et/ou artistiques qui sont en fait des hiérarchies d’accès aux ressources (l’Art ou le Sport n’en sortent pas grandis) ou alors des hiérarchies d’accès aux ressources qui sont, en fait, des hiérarchies d’ego (gare à la pérennité de l’accès aux ressources).
 
Pour en revenir au Krav Maga, la seule hiérarchie qui me semble être utile est celle du niveau pédagogique, à mes yeux, symbolisée par la couleur de la ceinture. (revoir mon post sur les ceintures à la FEKM pour plus de détails)
 
Cela permet un effet sympa et constructif pour l’entrainement, on sait qui définit le cadre s’il n’y a pas égalité entre les niveaux.
En effet, j’ai toujours considéré comme évident que c’était au plus compétent dans la pédagogie de définir le cadre du travail et d’assurer la sécurité de tous…. (Le contraire d’anciens qui dans certaines disciplines ou certaines cultures, se croient tout permis….. notamment le test sur débutant…..).
 
La ceinture permet d’un seul coup d’œil, si une différence de niveau existe, de savoir qui doit avoir la responsabilité, a priori, d’un binôme/trinôme/quadrinôme de travail. C’est, à mon sens, la seule utilité de la ceinture. En sachant, naturellement, que la fonction prime le « grade ». La personne qui est en charge du cours est, pendant le temps du cours (délimité par les saluts), au dessus de tous.
 
Donc le système des ceintures est un système que j’apprécie. Il définit une hiérarchie pour les cours. Car quelquefois nous sommes nombreux, une organisation de travail est donc nécessaire mais rien de plus.
 
Le petit hic, c’est qu’à mon sens les arts martiaux ont servi d’exutoire dans notre société.
 
Je ne dis pas que tous les pratiquants sont venus aux arts martiaux pour avoir une hiérarchie parallèle plus gratifiante que la hiérarchie de leur vie « classique ». Mais je pense que c’est la motivation principale  pour certains et que les plus motivés, les plus politiques ou les plus intelligents de ceux là (quelque par les plus méritants dans cette catégorie vous le remarquez) …vont avoir tendance à chercher une ceinture comme compensation quitte à dégrader la hiérarchie initialement mise en place et à pervertir l’organisation.
 
Depuis quelque temps, certains, qui se rendent compte du problème de hiérarchie « bidon » des ceintures  dans certains arts martiaux, notamment japonais, ont tendance à vouloir se rapprocher d’un idéal mythique des dojos où la hiérarchie reflétait vraiment la capacité martiale.
 
A mon avis cette tentative est inutile.
 
Voici le blog "sur les pas de mars" (coup de chapeau à son auteur ! ). Il contient la traduction d’une interview de Karl Friday (je n’ai pas lu ses livres mais l’interview me semble claire).
 
 
 
J’ai été très surpris que ces posts ne fassent pas plus de bruit.
 
Je vous livre un extrait :
 
 
"Il semble probable, alors, que les bugei ryuha et les dispositifs pédagogiques associés visaient au départ à transmettre plus des idéaux abstraits de développement de soi et d’éveil. Que les bugei ryuha étaient une abstraction de la science militaire, et non pas simplement une application de celui-ci. Elles favorisent les traits de caractère et le sens tactique qui font devenir de meilleurs guerriers ceux qui les ont pratiquées, mais leurs buts et leurs idéaux étaient plus proches de ceux de l’éducation libérale que de la formation professionnelle. En d’autres termes, les bugeisha, même pendant l’ère Sengoku, avaient plus en commun avec des compétiteurs olympique au tir d’adresse – s’entraîner avec des armes spécialisées pour développer des niv eau x ésotériques de compétence dans des conditions particulières – qu’avec des fusiliers marins. Ils ont également eu autant – peut-être plus – en commun avec l’ère Tokugawa et les artistes martiaux modernes qu’avec les guerriers ordinaires de leur propre temps.
 
Fondamentalement, je soutiens qu’il n’y avait aucun changement fondamental de but dans l’enseignement des arts martiaux entre la fin du XVIe siècle et le milieu du dix-septième. Les budo de l’ère Tokugawa ne représentaient pas une métamorphose de l’art martial du Moyen Age tardif, mais la maturation de celui-ci. Les bugei ryuha constituaient en soi un nouv eau phénomène – un dérivé, et non une amélioration linéaire d’une précédente formation militaire plus prosaïque."
 
 
 
       Donc en clair :
           
 Il n’y a, d’après ce chercheur spécialisé, jamais eu historiquement de dojo avec une optique purement martiale/self défense.  Tous les dojos ont toujours eu un autre but que le but martial/self défense (et donc cherchaient, dès l’origine, autre chose que l’optimisation des capacités martiales).
           
Il n’y a donc pas de tradition historique permettant de juger la fiabilité d’un système d’organisation des arts martiaux/self défense.
 
Nous sommes donc, dans l’organisation des Arts Martiaux avec un but de self défense, sur un terrain neuf.
 
Ceci explique que rien ne marche comme prévu dans la structuration institutionnelle des arts martiaux (dans notre beau pays et ailleurs). Personne n’a réfléchi, théorisé et expérimenté la « bonne » manière de faire.
 
En essayant de faire un constat objectif je vais dire que :
 
  •       Le but des « art martiaux » n’est généralement pas explicité. Ce qui permet à certains, quelque soit la vraie discipline (gym, danse, etc…) cachée derrière un nom plus ou moins exotique d’assurer que c’est utile pour le combat. Ce qui est non discriminant, toute activité physique est utile pour le combat mais certaine plus que d’autre.
  •        L’organisation d’une association loi 1901 ne permet pas, si on se contente de faire des statuts conformes à la loi, de contrebalancer « l’instinct de bande » de nos petits cerveaux primates.
  •         Les techniques des arts martiaux, de manière générale, ne sont pas assez explicitées sur des supports écrits et/ou transmissibles (notamment le contexte d’application). Ce qui empêche une hiérarchisation de l’efficacité/facilité des techniques.
  •         Les groupements d’arts martiaux (fédération, association, club)  n’explicitent pas assez leur but (diffuser l’art, vendre l’art, permettre de s’entrainer à l’art, améliorer l’art, organiser des compétitions sportives, etc….). Notamment elles ne disent pas quelle est le but primaire…qui conditionnent les buts secondaires et les moyens…..Ce qui permettrait de juger la qualité des dirigeants. Aucun but n’est honteux mais ne pas le dire ou ne pas en faire prendre conscience les pratiquants entrainent clairement des dérives …
 
En conséquence
 
1-        En jouant sur l’efficacité relative de toutes techniques, des critiques sont formulées en permanence (y compris au sein d’une même discipline)
2-        Les pratiquants se regroupent toujours entre pour/contre sans comprendre le piège car la pensée scientifique est confondue avec la perception du réel (voir post précédent) : le singe utilise le serpent pour chasser l’humain du jardin des arts martiaux. (Attention,  Le singe et le serpent sont utiles mais en dehors du jardin).
3-        Comme il n’y a pas de pensée scientifique, des mythes circulent sur les arts martiaux (capacité extraordinaire, argent facile, etc…..) véhiculés en boucle par certains groupes pour maintenir la différenciation sans qu’il y ait de possibilité de vérification.
4-        Les mythes servent à attirer de la « chair fraiche » pour entretenir le milieu des arts martiaux (tout le monde est concerné bien sur ….mais plutôt les mythomanes par définition)
5-        Pour museler les pratiquants sincères, compétents et scientifiques (et plutôt passionnés qu’intéressés), les mythomanes critiquent les techniques
 
Vous voyez le côté boucle sans fin et les interactions/renforcements entre les différents niveaux ?
 
Au final, nous avons sans arrêt des créations/destructions de groupes sans que la connaissance martiale progresse. 
 
C’est valable dans d’autres domaines que les arts martiaux. Toutefois, les arts martiaux travaillant sur un niveau très basique de l’humain (le combat), les défauts des deux cerveaux primitifs sont amplifiés d’autant par rapport à d’autres domaines faisant plus appel au néo cortex.
 
Aujourd’hui à la FEKM, les tensions sont faibles car la hiérarchie est claire. La légitimité de tous est tirée du président fondateur. Lui-même dispose d’une légitimité (technique et pédagogique) prouvée. 
Le dernier vote sur la légitimité globale (technique+pédagogique+organisation) du président de la FEKM à eu lieu en septembre 2011. Le président de la FEKM a été élu contre un système pécuniairement plus gratifiant. Preuve par les faits, au passage, que la passion est le réel moteur des moniteurs et des pratiquants de la FEKM.
 
 
Plusieurs détails dans l’organisation de la FEKM (le code moral, l’abandon de la quasi-totalité des rituels pour l’entrainement, le travail sur la neutralité émotionnelle, etc…..) m’ont toujours fait penser qu’il y avait, en plus de la conjonction de facteurs légitimants, une conscience du problème éthologique/organisation au niveau de la direction de la FEKM.
 
Or, Richard Douieb a récemment fait un podcast.
 
http://arts-martiaux-et-developpement-personnel.com/premier-podcast-interview-de-richard-doueib/#more-379
 
Je l’ai trouvé très intéressant. Notamment cet extrait :
 
«On est aussi [...] dans la continuité de ce que nous a légué le fondateur Imi Lichtenfield. Il nous a légué un héritage de techniques radicales et de principes très durs où il n’y avait pas de place pour une quelconque limite. Mais il ne nous a pas légué que ça.
Il nous a aussi donné tout le contraire, un humanisme et une tolérance affichés. C’est quelqu’un qui en temps de guerre contre les pays arabes s’est fâché avec des enseignants qui ne voulaient pas les accepter dans les cours. Le racisme était inconnu d’Imi.
Bien sûr il pouvait y avoir d’autres raisons en temps de guerre. on pouvait aussi avoir des soupçons, se demander si la sécurité n’était pas en cause.
Malgré ça, Imi campait sur ses positions.
Pour lui de toute façon nous n’avions pas d’autre choix que de nous entendre dans l’avenir. Donc dans l’avenir puisque les gens ne vont pas complètement s’éradiquer les uns les autres nous avons le devoir de bien nous entendre.
Pour ça il faut faire des efforts, même dans le krav maga. Le Krav-Maga est une méthode guerrière, mais une méthode guerrière qui prône l’ouverture entre les gens, entre les pays, entre les différentes disciplines sportives. »
 
On voit que le fondateur du Krav Maga estimait que l’organisation avait une existence propre et nécessitait des actions au delà de l’Art à proprement parler.
 
Cet entretien prouve que cet état d’esprit a été transmis au président de la FEKM, conscient de l’importance de la valeur morale institutionnelle de "l'organisation d'entrainement" et que cela doit être travaillé (en plus de la technique et la pédagogie) par tous les pratiquants.
 
Cet entretien prouve également que la FEKM est bien dans l’esprit du fondateur dans son optique d'ouverture à tous. Ce qui permettra d’éviter, dans le futur, des amalgames regrettables dans le public et dans le milieu des arts martiaux.
 
 
 
Le coin culture
 
« Tant qu'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau , la façon dont ils l'utilisent et tant que l'on n'aura pas dit que jusqu'ici cela a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chance qu'il y ait quoi que ce soit qui change. »

— Henri Laborit, Mon oncle d'Amérique
 
Mon_oncle_d-Amerique_movie.jpg
 
A vous de voir à partir de maintenant la suite à donner ! J’ai essayé de soulever, dans les deux derniers posts, ce que je considérais comme le problème majeur du milieu des arts martiaux (avec des outils fournis obligeamment par : Platon, Aristote, Confucius, Lao Tseu, H. Laborit, A. Korzybski, entre autres ….).
 
A la communauté des artistes martiaux de trouver une solution. Si rien n’est trouvé et mis en place….. Je pense que le milieu va vers un Darwin Award…..mérité.
 
 
Partager cet article
Repost0
Published by KRAV MAGA et PHILOSOPHIE